La province d’Alberta fait un pas courageux dans un débat qui divise profondément le Canada. La première ministre Danielle Smith vient de charger son ministre de la Justice, Mickey Amery, de présenter un projet de loi pour mieux encadrer l’aide médicale à mourir (AMM).
Derrière cet acte politique, c’est une bataille morale qui s’annonce : celle entre la culture de la vie et la banalisation de la mort assistée.
Dans une lettre d’intention adressée à son ministre, Danielle Smith affirme sa volonté de redonner au gouvernement provincial un contrôle réel sur le programme d’euthanasie. Elle veut introduire de nouvelles garanties, notamment pour exclure la maladie mentale comme seul critère d’admissibilité.
Une mesure de prudence, diront certains ; un acte de courage, diront d’autres. Car depuis des années, le Canada s’enfonce dans un glissement inquiétant, où l’aide médicale à mourir est de plus en plus présentée comme une “solution” à la souffrance, même psychique.
Le ministre Amery a confirmé que, selon lui, les règles fédérales sont insuffisantes pour protéger les plus vulnérables. « La santé relève des provinces, et nous devons garantir que la compassion ne se transforme pas en abandon », a-t-il déclaré dans un courriel.
L’euthanasie a été légalisée au Canada en 2016, dans des conditions qui devaient rester “strictement encadrées”. Huit ans plus tard, les limites s’effacent : de simples troubles mentaux pourraient bientôt justifier la mort médicalement provoquée.
Ottawa avait prévu d’élargir l’accès dès 2023, mais a repoussé la décision à 2027, reconnaissant implicitement la gravité du sujet. Pourtant, pour beaucoup, le mal est déjà fait : des Canadiens fragiles, isolés, mal soignés ou découragés, se voient proposer la mort plutôt qu’un accompagnement digne.
Des médecins, des psychiatres et des juristes alertent : la société s’habitue à supprimer la souffrance en supprimant le souffrant. L’Alberta, elle, refuse cette logique.
Le professeur Lorian Hardcastle, experte en droit de la santé à l’Université de Calgary, rappelle que la province a le pouvoir de fixer ses propres règles : elle peut retirer certaines prérogatives aux médecins ou conditionner le financement des établissements à des pratiques éthiquement sûres.
L’enjeu n’est donc pas seulement juridique : il est profondément humain.
Car derrière chaque dossier d’“AMM”, il y a un visage. Celui d’un malade, d’une personne déprimée, d’un aîné qui se sent de trop. En refusant d’élargir l’euthanasie aux troubles mentaux, le gouvernement de Smith réaffirme la valeur absolue de la vie, même blessée, même souffrante.
Nous pouvons nous en réjouir : enfin, un gouvernement ose dire que la dignité ne se mesure pas à la santé mentale ni à l’absence de douleur, mais à la simple vérité que chaque vie humaine mérite d’être vécue, accompagnée, aimée jusqu’au bout.
Adèle Cottereau
Sources : https://genethique.org/aide-medicale-a-mourir-vers-une-pratique-mieux-encadree-dans-lalberta/
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2195531/maid-mourir-protection-sante-mental
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