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Arrêt des soins : la vie suspendue à une décision judiciaire

Le 3 novembre dernier, le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative française, a autorisé l’Institut Gustave-Roussy à interrompre l’ensemble des traitements prodigués à Chabane Teboul, 64 ans, plongé dans le coma depuis la mi-août. Cette décision ouvre la voie à la mise en place d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès, et ce contre la volonté explicite de la famille, engagée dans un combat acharné depuis plus de deux mois pour préserver la vie de leur père.

Alors qu’un premier jugement, rendu fin septembre par le tribunal administratif de Melun, avait ordonné la poursuite des soins sans limitation de durée, le Conseil d’État a annulé cette décision après une semaine et demie de délibéré. Dans son ordonnance, la juridiction estime que l’état du patient – coma jugé profond, cancer à un stade avancé, dépendance à une assistance respiratoire et absence d’espoir d’amélioration – justifie l’arrêt des traitements, conformément aux lois sur la fin de vie de 2005 et de 2016, qui proscrivent « l’obstination déraisonnable ».

L’Institut Gustave-Roussy pourra donc, à tout moment, enclencher une sédation terminale. Une perspective que la famille Teboul refuse catégoriquement. « Nous ne laisserons pas faire avant d’avoir épuisé tous les recours juridiques », a déclaré Hénia Teboul, l’une des sept enfants du patient et sa personne de confiance.

La famille a ainsi annoncé son intention de saisir la Cour européenne des droits de l’homme, espérant obtenir en urgence une mesure conservatoire qui suspendrait une fois de plus l’arrêt des soins. Leur avocat, Me Vincent Lassalle-Byhet, estime qu’un doute subsiste sur l’état réel de conscience de leur père, et que ce doute devrait lui bénéficier. Une position confortée, fin septembre, par une expertise médicale indépendante qui avait relevé chez le patient une « réactivité faible mais existante ».

Les proches de Chabane Teboul affirment également s’appuyer sur les directives anticipées rédigées par ce dernier en juillet, dans lesquelles il aurait demandé que tout soit entrepris pour le maintenir en vie. Des directives que le Conseil d’État a jugées « manifestement inappropriées » au regard de la situation médicale actuelle, estimant qu’elles ne s’imposaient pas nécessairement aux médecins.

Cette décision de justice marque une nouvelle étape inquiétante dans l’évolution du droit et de la pratique médicale en France. En autorisant l’arrêt des traitements et une sédation menant au décès, contre l’avis de la famille et malgré l’existence de signes de conscience, la justice entérine une logique où la valeur d’une vie humaine peut être jugée « disproportionnée ».

L’affaire Teboul révèle ainsi la fragilité grandissante du principe fondamental du respect de la vie, en particulier lorsque celle-ci devient dépendante, vulnérable et silencieuse.

 Adèle Cottereau

Source : https://www.la-croix.com/societe/affaire-teboul-le-conseil-d-etat-autorise-la-sedation-terminale-du-patient-malgre-lopposition-de-la-famille-20251103

Photo: Adobe Stock

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