Un article récemment publié dans le Journal of Death and Dying a mis en lumière une dérive inquiétante dans le débat canadien sur l’euthanasie.
En chiffrant les économies potentielles qu’entraînerait un élargissement massif de l’accès à l’euthanasie, certains chercheurs semblent ouvrir la porte à une logique dangereusement eugéniste : évaluer la valeur d’une vie humaine à l’aune de ce qu’elle coûte au système de santé. Une idée glaçante, qui rappelle combien le débat canadien s’est éloigné de la mission fondamentale de tout système de soins : accompagner, protéger, soutenir.
Depuis plusieurs années, des études — au Canada, aux États-Unis, en Belgique et aux Pays-Bas — mettent en évidence que la pratique de l’euthanasie réduit les dépenses de santé. Mais ces montants, bien qu’agités comme arguments politiques, restent marginaux : 0,07 % du budget américain de la santé en 1998, puis 0,08 % au Canada lors de l’examen de la loi C-7 en 2020. Des gains comptables minimes, mais dont l’effet symbolique interroge : pourquoi s’acharner à mesurer des « économies » obtenues par l’interruption volontaire de vies humaines en fin de parcours ?
La nouvelle étude publiée en février 2025 va plus loin, beaucoup trop loin. Les auteurs envisagent d’appliquer l’euthanasie non seulement à des personnes atteintes de maladies incurables, mais aussi à des populations vulnérables : sans-abri, personnes âgées isolées, individus ayant fait une tentative de suicide, communautés autochtones, usagers de drogues, personnes souffrant de troubles mentaux. Sur cette base, ils projettent des économies colossales : 1,273 « milliard de milliards » de dollars d’ici 2047. Une somme irréaliste, qualifiée d’« absurdité » par des médecins spécialisés, mais révélatrice d’un climat idéologique où l’on calcule avant d’écouter, où l’on chiffre avant de soigner.
Au-delà de l’exagération méthodologique, le problème est ailleurs : pourquoi ces scénarios extrêmes semblent-ils aujourd’hui pensables ? Au Canada, des personnes ont déjà demandé ou accepté l’euthanasie faute de moyens, absence de logement ou manque d’accès aux soins palliatifs. Certaines voulaient vivre, mais n’ont reçu ni aide sociale suffisante, ni soutien médical approprié.
Le report à 2027 de l’élargissement prévu aux seuls troubles psychiatriques ne change rien au fond : la pente est glissante. Lorsque l’État présente la mort comme une solution commode à la pauvreté, au handicap ou à l’abandon, ce ne sont pas seulement des individus qu’il fragilise, c’est le principe même de dignité humaine.
Face à ces dérives, la voix pro-vie doit rester claire : une société se jugera non à ce qu’elle économise, mais à la manière dont elle choisit de protéger les plus vulnérables.
Adèle Cottereau
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