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Loi sur l’euthanasie : l’ONU alerte sur une menace pour les personnes handicapées

Alors que la France s’apprête à légaliser l’« aide à mourir » à travers une proposition de loi controversée, l’alerte vient désormais du Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies (CDPH). Ce comité a officiellement demandé au gouvernement français des explications sur plusieurs points jugés incompatibles avec la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, que la France a ratifiée en 2010.

Adopté en première lecture le 27 mai par l’Assemblée nationale, le projet de loi sera examiné au Sénat à partir du 7 octobre. Il prévoit d’autoriser l’euthanasie et le suicide assisté pour toute personne majeure atteinte d’une affection grave et incurable, provoquant des souffrances physiques ou psychologiques constantes et inapaisables. Mais pour le CDPH, ces critères sont très problématiques, car ils semblent reposer sur une vision réductrice et capacitiste de la vie des personnes en situation de handicap.

Selon le comité onusien, ces dispositions ignorent totalement les facteurs d’inégalités, d’exclusion et de manques de soins qui sont souvent les véritables causes de la détresse vécue par les personnes handicapées. En d’autres termes, plutôt que de combattre les discriminations, le texte propose la mort comme “solution” à la souffrance, ce qui revient à institutionnaliser une forme de renoncement à protéger les plus fragiles.

Plus grave encore, presque tous les amendements visant à protéger les personnes concernées ont été rejetés : accès aux soins palliatifs, délai de réflexion plus long, évaluation indépendante… autant de garde-fous refusés par la majorité parlementaire. Le gouvernement devra aussi justifier le délai extrêmement court de deux jours entre la demande et l’exécution de l’acte, ce que le comité considère, à juste titre, comme expéditif et contraire aux principes de discernement éclairé.

Le projet de loi introduit par ailleurs un délit d’entrave à l’euthanasie, passible de 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende, pour toute personne cherchant à dissuader quelqu’un de recourir à la mort médicalement provoquée. Une disposition dénoncée par la Société française de soins palliatifs (Sfap) comme une attaque frontale contre la mission même des soignants, qui est d’accompagner la vie, pas d’en hâter la fin.

Cette intervention du CDPH s’inscrit dans un contexte international déjà tendu. En mars 2025, le même comité avait condamné le Canada pour avoir élargi l’euthanasie aux personnes atteintes de handicap ou de troubles mentaux, estimant que cela violait le droit à la vie. L’impact fut tel que le gouvernement canadien dut reporter l’entrée en vigueur de cette mesure à 2027.

Pour Claire Fourcade, ex-présidente de la Sfap, cette mise en lumière internationale pourrait bien peser dans le débat français : « Même si l’avis de l’ONU n’a pas de valeur contraignante, il recentre la question sur le sort des plus vulnérables et servira de levier juridique et moral pour les associations. »

À l’heure où les choix politiques façonnent le regard porté sur la vie fragile, cette interpellation de l’ONU rappelle une vérité fondamentale : protéger les plus faibles est le marqueur d’une civilisation véritablement humaine.

Adèle Cottereau

Source: https://www.la-croix.com/societe/loi-sur-l-aide-a-mourir-les-interrogations-de-lonu-20250808

Photo: Adobe Stock

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