Le neuf février dernier, France 5 diffusait un reportage, L’enfant du double espoir,
qui “raconte le parcours d’une famille pour concevoir un deuxième enfant à même de guérir son frère aîné d’une maladie génétique incurable”.
Autrement dit, le film traite du sujet des “bébés-médicaments”, des bébés conçus non pour eux-mêmes, sinon avant tout à des fins médicales. Une pratique scandaleuse déjà légale en Belgique.
Pour Ingrid Riocreux, critique littéraire de renom, la diffusion de ce reportage “ témoigne du pathos permanent dans lequel a sombré la télévision”.
“Encore un reportage qui vise à « faire changer le regard sur », « faire bouger les lignes et faire bouger la loi » (…), fustige la chroniqueuse. En l’occurrence, la conception in vitro d’un enfant épargné par une maladie génétique dont est atteint son frère aîné afin de pouvoir l’en guérir.”
Avec ce documentaire, “(…) à travers une « famille que l’on suit », c’est la victoire du cas particulier sur la loi générale, par la force du pathos”, dénonce-t-elle.
“Il est urgent de revoir le protocole médiatique : quand on diffuse un documentaire de ce type, il serait bon de le faire suivre d’un documentaire qui défend le point de vue inverse afin de ne pas enfermer le téléspectateur dans le piège du point de vue compassionnel centré sur des situations sélectionnées au service d’une thèse ”, explique celle qui est aussi spécialiste de rhétorique.
A la question posée par un médecin interviewé dans le reportage : « Si vous étiez dans ce cas et que vous pouviez ainsi sauver votre enfant, est-ce que vous le feriez ? », la réponse de la réalisatrice de L’enfant du double espoir est : oui, évidemment. “Très symptomatique. Non seulement d’une démarche médiatique d’hyper-identification à visée persuasive, mais d’une mentalité actuelle”, relève Mme Riocreux.
Et ce documentaire pose une autre question, plus profonde. Comme le dit sa réalisatrice : « Il y a plein de raisons de vouloir un enfant ; cela peut être pour un héritage, pour sauver son couple… »
“ Faire un enfant pour : et si c’était là le vrai problème que soulève ce sujet ? ”, interroge si justement Ingrid Riocreux .
Car “ la pratique du bébé médicament est la perversion ultime d’un monde où la vie d’un enfant n’est légitime que si elle a été désirée. ”
Et de conclure : “ Quand l’enfant n’est plus une vie que l’on accueille dans son infinie singularité pleine de surprises, mais un projet que l’on planifie et dont on aménage les conditions de réalisation (…), on est déjà prêt à accepter, avec la meilleure conscience possible, de concevoir un enfant pour en sauver un autre. ”
Adèle Cottereau
Source : https://www.valeursactuelles.com/societe/les-bebes-medicaments-perversion-ultime-et-logique-128552
PHOTO de DdN