Dans une tribune collective publiée dans les colonnes du Figaro le cinq mai dernier, sept courageux députés ont lancé un cri d’alarme à propos du projet de loi sur l’euthanasie actuellement débattu à l’Assemblée.
« Sur le fond, le texte inquiète, affirment-ils. « Sous couvert de liberté individuelle, la loi consacre une rupture anthropologique majeure, celle d’une société où la fraternité recule devant la tentation du renoncement. Mais même dans sa forme, la loi pose problème. Elle prétend par exemple établir des procédures strictes dans l’administration de l’euthanasie et du suicide assisté. (…) »
Les élus précisent : « Tout d’abord, on nous affirme qu’une procédure collégiale permettra de prendre la décision d’euthanasie en toute sérénité. C’est un mensonge : il n’y a pas de vraie procédure collégiale. Durant tout le processus de décision, celui qui bénéficiera de l’euthanasie pourra physiquement n’avoir vu qu’un seul médecin, qui aura de surcroît à lui seul le pouvoir exorbitant de la décision finale. »
« Cette absence de vraie procédure collégiale est incompréhensible dans un pays où toutes les décisions médicales graves sont prises à plusieurs pour éviter les erreurs ou, pire, les abus. (…)
Nous craignons que des personnes souffrant d’authentiques dépressions ou de douleurs mal traitées obtiennent l’euthanasie faute d’avoir été correctement prises en charge. (…) »
Quant aux « exigences formelles , pointent les signataitres de la tribune, elles « sont d’une légèreté déconcertante contrairement aux pays qui ont légalisé l’euthanasie. Alors qu’il faut signer un formulaire pour se faire opérer, la demande de mourir pourra être faite uniquement par oral, sans consentement écrit », s’indignent-ils à juste titre.
Et d’interroger : « Le patient a-t-il bien été prévenu des alternatives ? N’était-il pas dépressif ? S’est-on bien assuré qu’il avait tout compris ? Il faudra croire sur parole le médecin qui aura réalisé l’euthanasie… Où est la traçabilité ? Comment ne pas craindre des dérives ou l’impossibilité pour des tiers de faire un recours ? »
Le petit groupe de députés révèle une autre grave dérive du projet de loi : « Pire encore, l’indécence des délais : quinze jours maximum pour instruire une demande et deux jours minimum ou moins pour confirmer sa volonté de mourir. (…) Or ce délai expéditif méconnaît une réalité : la demande de mort est fluctuante. Ainsi, 3 % des patients qui entrent en soins palliatifs veulent mourir. Une semaine plus tard, ils ne sont plus que 0,3 %. Que s’est-il passé ? Ils ont changé d’avis, car ils ont été soulagés, entourés et aimés. Il a fallu une semaine. Pas 48 heures… En Autriche, le délai de réflexion minimum est de trois mois. En Belgique, il est d’un mois. Au Canada, il est de 90 jours. Chez nous donc : entre zéro et dix-sept jours. »
« Partout où ces pratiques ont été légalisées, les critères d’accès se sont ensuite étendus. Ceci contredit l’idée “rassurante” que l’euthanasie restera cantonnée à quelques centaines de cas.
(…) Les mineurs peuvent à présent être euthanasiés en Belgique comme aux Pays-Bas, pays qui permettent également aux patients dépressifs d’y avoir recours. »
Les élus prennent l’exemple du Canada, où le taux d’euthanasie représente désormais 5 % des décès, soit plus de 15.000 personnes par an. De plus, ajoutent-ils, « (…) au-delà des chiffres, c’est le profil social des personnes qui ont recours au suicide assisté qui interpelle. Au Canada, les plus pauvres (…) y ont deux fois plus recours que les plus riches. Pourquoi ? Parce que quand on est pauvre et seul, la fin de vie est plus pénible que quand on est riche et entouré. Un tiers des personnes euthanasiées étaient en situation de handicap et désormais près d’un tiers des citoyens est favorable à l’euthanasie pour les sans-abri… Est-ce là le progrès social ? »
« Légaliser l’euthanasie, c’est accepter que l’État administre la mort. C’est surtout un état d’esprit qui survalorise la performance et la jeunesse, et envoie aux moins performants et plus vieux le message que certaines vies (les leurs ?) ne valent pas d’être vécues.
Voulons-nous de cette société ? », concluent les députés signataires.
Adèle Cottereau
Sources : https://www.genethique.org/exigences-formelles-dune-legerete-deconcertante-indecence-des-delais-des-deputes-denoncent-la-proposition-de-loi-relative-au-droit-a-mourir/ https://www.lefigaro.fr/vox/societe/dans-les-pays-ou-l-euthanasie-a-ete-legalisee-les-garde-fous-sont-tombes-les-uns-apres-les-autres-20250505
Photo: Adobe Stock