Pierre Jova, journaliste et auteur de “Peut-on programmer la mort ?”, a enquêté sur les dérives de l’euthanasie en Belgique et analyse le projet de loi en discussion à l’Assemblée nationale, qu’il juge alarmant. Il livre ses réflexions dans un entretien au Figaro.
Selon lui, « cette loi est à la dérive avant même d’avoir quitté le port ». Les garde-fous belges et canadiens, supprimés en plusieurs années, l’ont été en quelques jours en France ! La condition de « pronostic vital engagé » a été remplacée par une « affection grave et incurable en phase avancée ou terminale », un critère qu’il trouve trop vague. Il critique également l’idée d’autoriser un proche à donner la mort au malade, une proposition des plus radicales.
Pierre Jova observe que l’euthanasie en Belgique et le suicide assisté en Suisse sont acceptés au nom d’une vision erronée de l’autonomie. « L’individu croit maîtriser sa vie jusqu’à refuser la dépendance, dénonce-t-il. Son “autodétermination” s’impose aux institutions de santé, qui sont obligées d’accepter la mort programmée dans leurs murs. Mais l’homme n’est jamais seul. La mort a un impact collectif, l’anticiper peut créer des drames familiaux ». Il donne l’exemple de Claire, une jeune Bruxelloise dont le père a été euthanasié, et qui a vécu cela comme un arrachement. Il dénonce également le cas de Joke Mariman, une handicapée flamande qui a obtenu l’euthanasie faute d’une meilleure allocation, illustrant la résignation de ces sociétés à administrer la mort.
Rappelons qu’en Belgique, l’euthanasie représentait 3,1 % des décès en 2023 et 7,3 % au Québec. Toujours chez nos voisins belges, après le cancer (55 %), la seconde cause des euthanasies concerne les « polypathologies » (23,2 %), affections chroniques liées à la vieillesse. « Un chiffre terrible, quand on connaît la réalité de nos anciens. Beaucoup sont isolés, beaucoup ne veulent pas être un poids pour leur famille. Je refuse que la France imite cette résignation suicidaire », affirme-t-il avec force.
Jova critique l’évolution législative belge, où l’euthanasie a été étendue aux mineurs et pourrait bientôt concerner les personnes atteintes de démence. Il déplore que cette pratique devienne « un luxe pour certains et une pression pour d’autres ».
- Et rappelle à juste titre que « la loi modifie les mœurs en rendant moral ce qui est légal ».
Il conclut en affirmant que le modèle français, basé sur les lois de 1999, 2005 et 2016, est suffisant. Ces lois garantissent les soins palliatifs et rejettent l’acharnement thérapeutique. Toutefois, cet arsenal législatif n’est pas appliqué correctement en raison des lacunes du système de santé public. « Il faut garantir un accès égalitaire et réel aux soins », rappelant que chaque vie a une valeur infinie.
Adèle Cottereau
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