Dans une excellente tribune publiée dans le journal Le Monde fin juin, les professeurs de philosophie Elisabeth Geffroy, Pierre Manent et François-Xavier Bellamy (ce dernier également député au Parlement européen), avaient alerté sur la dangerosité du projet de loi de bioéthique.
« La gravité de ce qui se joue aujourd’hui reste sous-estimée », dénoncent les auteurs de la tribune.
Ils expliquent notamment que les « chimères homme-animal, embryons transgéniques, ciseaux génétiques Crispr-Cas9, “bébés-médicaments”, autoconservation des ovocytes sans motif médical, gamètes artificiels… […] touchent, à la fois physiquement et ontologiquement, à ce qui constitue le cœur de notre condition humaine ».
Ces techniques « menacent l’intégrité et la protection de notre identité génétique : via la technique du ciseau moléculaire, on fabriquera désormais des embryons transgéniques […] – sans que personne ne maîtrise les mutations ultérieures… », s’alarment les trois philosophes.
Selon eux, cette « violation de la frontière entre les espèces » révèle une « renonciation supplémentaire au principe du respect de la personne comme fin en soi, une objectivation des êtres humains utilisés comme moyens », notamment dans le cas des « bébés-médicaments ».
En votant ce projet de loi, la France « consent d’avance à toutes les mutations que la science permettra, [et] renonce au principe même de la responsabilité politique, qui est de décider de la règle commune », regrettent-ils.
Les auteurs de la tribune déplorent également un projet cautionnant implicitement le recours à des méthodes qui privilégient l’argument économique à l’éthique. Et une suppression des garde-fous éthiques dans une époque où pourtant « l’étendue inédite de notre capacité technique, loin de nous rendre maîtres de notre destin, nous oblige aujourd’hui à un immense effort pour reprendre le pouvoir sur notre propre pouvoir ».
Ils n’ont malheureusement pas été entendus, rappelons que le projet de loi bioéthique a été adopté définitivement par l’Assemblée Nationale, le 29 juin dernier.
Adèle Cottereau
Photo : embryon virus montage DdN